The Girl from Ipanema, le plus grand succès de l’histoire de la bossa nova, est un hit planétaire.
Le single sort en 1964. Il grimpe au sommet des charts mondiaux, rafle le Grammy du disque de l’année, et devient très vite l’un des morceaux les plus repris de l’histoire, derrière “Yesterday” des Beatles. Il a été interprété par Ella Fitzgerald, Frank Sinatra, Amy Winehouse, Nat King Cole… mais la version qui touche droit au cœur reste celle d’Astrud Gilberto.
La musique a été composée par Antônio Carlos Jobim. Le poète et diplomate Vinicius de Moraes a écrit les paroles.
Mais l’histoire de The Girl from Ipanema, c’est aussi l’histoire d’un triangle amoureux. Un triangle composé d’une femme discrète, d’un saxophoniste flamboyant et d’un mari qui n’a rien vu venir… ou peut-être que si.
On est en 1963. La bossa nova s’apprête à séduire le monde entier. João Gilberto, figure tutélaire du genre, arrive à New York accompagné de sa jeune épouse, Astrud, une brésilienne timide, pas encore chanteuse, mais dotée d’un charme naturel et d’un anglais impeccable. Ils viennent enregistrer un album avec le célèbre saxophoniste Stan Getz.
L’ambiance au studio n’est pas simple. João est perfectionniste, un peu distant. Stan est impatient, exigeant. Il veut un morceau qui puisse s’exporter, qui puisse plaire au public américain. Un titre chanté en anglais.
Et c’est là que tout bascule.
Astrud Gilberto, presque par accident, presque en se cachant derrière le micro, pose sa voix douce et un peu nonchalante sur “The Girl from Ipanema”. Une prise, deux prises. C’est fait. La magie opère. Le producteur tombe amoureux de cette voix. Stan Getz aussi.
Le disque sort, c’est un raz-de-marée commercial. Et dans le sillage du triomphe, une attirance silencieuse se transforme en liaison. Astrud quitte João. Elle croit en une histoire avec Stan. Elle l’idéalise. Mais derrière le saxophone doré, il y a un homme souvent dur, colérique, parfois manipulateur. Leur relation est courte, marquée par des hauts… et surtout des bas.
João Gilberto, lui, reste digne. Silencieux. Il n’a jamais vraiment parlé publiquement de cette trahison intime. Mais ceux qui l’ont connu, disent qu’il n’a jamais pardonné. Ni à elle, ni à lui. Et pourtant, les trois resteront à jamais liés par ce morceau devenu légendaire.
Ironie du sort et injustice cruelle : malgré son rôle-clé dans le succès du titre, Astrud Gilberto n’a touché que 120 dollars pour cet enregistrement. Pas de royalties, peu de reconnaissance. Contre 23 000 dollars pour João Gilberto et 1 million de dollars pour Stan Getz. Astrud Gilberto : une voix immortelle pour une chanson qui ne lui a jamais vraiment appartenu. Astrud Gilberto restera pour toujours, une amante oubliée à qui l’on doit tout.