Chet Baker, c'est la silhouette fragile d'un homme consumé par les substances et le spleen.
Une voix céleste, un son de trompette au souffle feutré, et cette tristesse suspendue, presque irréelle, qui semblait hanter chaque note qu'il jouait. Mais, au fond de l’âme et du cœur du musicien de génie, il y avait une âme tourmentée, meurtrie, en proie à ses démons.
Le 13 mai 1988, à Amsterdam, la vie de Chet Baker s'achève brutalement.
Son corps est retrouvé gisant sur le pavé, en bas du Prins Hendrik Hotel. Il a chuté du deuxième étage, d'une fenêtre de sa chambre. Accident ? Suicide ? Overdose ? Le mystère reste entier des décennies plus tard. Une chose est certaine : la police retrouvera de l'héroïne et de la cocaïne dans sa chambre. Cette fin tragique vient sceller le destin d’un musicien singulier, hors norme.
Dans les années 50, Chet Baker est une étoile montante du cool jazz, aux côtés de Gerry Mulligan et Miles Davis. Sa trompette aérienne, son phrasé de velours, sa voix de soie et de dentelle marquent les esprits. "My Funny Valentine", "I Fall in Love Too Easily", "Let's Get Lost" : autant de ballades où il suspend le temps avec une mélancolie désarmante.
Mais derrière le génie lumineux, une ombre plane. Dépendance, prison, carrière chaotique. En 1966, des dealers le passent à tabac et lui brisent plusieurs dents. Un drame pour un trompettiste. Il devra réapprendre à jouer avec une prothèse, altérant son souffle mais pas son émotion. Son visage, autrefois angélique, au charisme hollywoodien - on le surnommait le James Dean du Jazz - se creuse, se flétrit, se fane, trahit ses excès. Son corps en garde les stigmates, son talent reste intact.
Le génie de Chet Baker, son style, sa personnalité, son physique, son jeu, le son de sa voix et de sa trompette ont marqué et influencé au-delà du jazz et des musiciens. L’ange déchu fascinera même les romanciers et les cinéastes.